Enoncé de politique du SCFP sur la lutte contre le racisme en milieu de travail

Pour lutter contre le racisme dans nos lieux de travail, nous devons comprendre et combattre le racisme systémique. Le racisme systémique n’est pas un concept étrange ou abstrait. Son impact est reél et dévastateur pour les travailleuses et travailleurs de couleur et les autochtones - et encore plus maintenant avec les réductions d’effectifs, la restructuration et la privatisation qui balaient les lieux de travail du SCFP.

Si nous regardons nos lieux de travail, nous constatons que, malgré les percées que nous avons effectuées sur les questions d’équité, l’égalité réelle nous échappe toujours. Dans nos lieux de travail et ailleurs, le racisme systémique continue.

  • En fait, les membres du SCFP de couleur et autochtones ont tendance à être concentrés dans les occupations moins bien payées, avec de moins bonnes conditions de travail, alors que les travailleuses et travailleurs blancs se retrouvent dans des emplois mieux payés et avec de meilleures conditions de travail. Si l’égalité était réelle, il n’y aurait pas de ségrégation dans nos lieux de travail.
  • Les travailleuses et travailleurs de couleur et autochtones ne sont pas bien représentés en général dans les lieux de travail syndiqués, qui offrent aussi de meilleurs salaires et avantages sociaux. Dans certains cas, ils sont exclus à cause de pratiques d’embauchage discriminatoires.
  • Au Canada et dans les pays industrialisés du monde, les travailleuses et travailleurs de couleur et autochtones sont concentrés dans des emplois non-syndiqués et mal payés avec peu ou pas d’avantages sociaux et de sécurité d’emploi, ou dans des secteurs qui sont extrêmement précaires d’un point de vue économique.
  • Le secteur public a longtemps constitué la principale source de bons emplois pour tous les travailleurs et travailleuses. À mesure que les emplois du secteur public disparaissent à cause de la privatisation et de la restructuration, cest le principe du « dernier embauché, premier congédié » qui s’applique. Les travailleuses et travailleurs de couleur et autochtones sont particulièrment vulnérables parce qu’ils sont parmi les derniers arrivés dans les lieux de travail du SCFP. Ils sont également parmi les groupes qui dépendent le plus de services publics maintenant de plus en plus restreints.
  • La population des villes, surtout des grandes villes, change et se diversifie. La main-doeuvre, elle, ne s’adapte pas à ces changements.

Le racisme maintient les profits

Nous devons reconnaître clairement que le racisme est une question de classe. Le racisme profite aux riches et aux puissants. Pendant des siècles, le racisme a été utilisé pour générer d’incroyables profits par la perpétuation de « ghettos d’emplois » et de différents niveaux de salaires et de conditions de travail.

Le racisme est aussi une façon pour les employeurs de s’en prendre à notre solidarité comme travailleuses et travailleurs. Tant que nous permettrons au racisme d’exister dans nos lieux de travail, nous serons divisés et affaiblis face à nos ennemis.

La raison même de notre existence est de défendre et de promouvoir les droits de tous et de mettre fin à l’exploitation. Cest cela la définition de la solidarité. Au moment d’entrer dans un siècle qui sera difficile pour tous les travailleurs et travailleuses, nous devons nous appuyer sur notre solidarité pour intensifier la lutte contre le racisme et permettre à tous les travailleurs et travailleuses de profiter des avantages obtenus par nos luttes communes.

S’attaquer au racisme

Nous ne pouvons pas nous permettre de nous laisser dévier de notre but en nous demandant si les gens ou les institutions sont délibérément racistes ou non. Nous devons composer avec ce qui arrive réellement aux membres de couleur et aux membres autochtones du SCFP au travail. Nous devons pour cela adopter une approche militante pour mettre fin maintenant au racisme dans nos lieux de travail. Nous devons aller plus loin que les comités et les plans d’équité en matière d’emploi, et ne pas nous contenter de déposer des griefs. Nous devons organiser et mobiliser tous nos membres et agir pour obliger nos employeurs à rendre nos lieux de travail équitables.

Pour défier le racisme au travail, notre syndicat doit:

Identifier et appuyer les sections locales qui sont aux premières lignes de la lutte contre le racisme

Établissons des cibles stratégiques dans chaque province - c’est-à-dire, les sections locales qui sont prêtes à s’attaquer à la question du racisme au travail et donnons-leur l’appui dont elles ont besoin pour faire de véritables progrès. Ces campagnes locales serviront aussi d’exemples de ce que nous devrions faire à une plus grande échelle. Par exemple, si une communauté particulière compte une population autochtone importante, mais une main-d’oeuvre du SCFP majoritairement non autochtone, nous devons être les premiers à aborder le problème. Le syndicat peut aider les sections locales laborer des stratégies concrètes pour contrer la résistance de l’employeur, obtenir l’appui des membres et édifier le soutien de la collectivité pour faire en sorte que la main-doeuvre reflète la diversité de la communauté qu’elle sert.

Obtenir des donneés précises sur la main-doeuvre des lieux de travail du SCFP

Il existe très peu de statistiques et de données précises sur ce qui se passe réellement pour les travailleuses et travailleurs de couleur et autochtones dans les lieux de travail du SCFP - combien sont-ils, dans quelles classifications d’emploi se retrouvent-ils, quels sont leurs salaires, combien ont perdu leur emploi à cause de réductions d’effectifs ou de la privatisation, et combien occupent des emplois à temps partiel, temporaires ou occasionnels. Nous devons faire nos recherches et utiliser les résultats pour étayer nos propos et rendre nos lieux de travail plus représentatifs.

S’efforcer de rejoindre tous nos membres dans toutes nos collectivités

Notre lutte contre le racisme ne peut être efficace que si nous nous efforçons de rejoindre nos membres de couleur et autochtones pour savoir ce qu’ils vivent au travail. Nous devons les inclure dans l’élaboration de stratégies syndicales de lutte contre le racisme. Nous devons aussi sortir de nos lieux de travail et collaborer avec des organisations communautaires qui représentent les personnes de couleur et autochtones, surtout lorsque des travailleuses et travailleurs de ces groupes ne sont pas représentés au travail.

S’attaquer au racisme systémique par des moyens juridiques et législatifs

  • Nous devons utiliser les mécanismes juridiques déjà en place pour nous attaquer au racisme au travail. Comme exemple récent, on peut mentionner la plainte déposée par la division des services de santé du SCFP de la Colombie-Britannique devant la Commission des droits de la personne de la Colombie-Britannique. La plainte s’inscrit dans la stratégie du syndicat pour mettre fin à la discrimination exercée au travail contre certains travailleurs et travailleuses d’origine asiatique dans un établissement de soins prolongés de Victoria - des travailleuses et travailleurs qui sont payés moins cher que leurs homologues dans les mêmes classifications d’emploi et qui font le même travail.
  • Nous devons aussi continuer de travailler avec le reste du mouvement syndical et avec des groupes communautaires pour appuyer les lois relatives à l’équité en matière d’emploi et renforcer les lois des droits de la personne.

Accorder la priorité au recrutement des travailleuses et travailleurs de couleur et autochtones

Dans le cadre de sa campagne de recrutement des travailleuses et travailleurs non-syndiqués le SCFP doit accorder la priorité aux travailleuses et travailleurs de couleur et autochtones dans ses secteurs traditionnels. Avec la participation du Comité arc-en-ciel et des comités provinciaux contre le racisme et la discrimination, nous devons répondre aux besoins en matière de recrutement et intégrer une composante de lutte contre le racisme à nos plans de recrutement dans le but de mieux rejoindre ces groupes de travailleuses et travailleurs. Nous devons prévoir des séances de formation et avoir recours à la participation des membres de couleur et autochtones comme membres organisateurs.

Préparer des cours de lutte contre le racisme pour les membres, les dirigeantes et dirigeants et le personnel

  • Nous devons continuer d’élaborer des cours qui aideront tous les membres à comprendre la nature systémique du racisme et le fait qu’il est fondé sur la classe. En particulier, le syndicat devrait sefforcer de déboulonner les mythes qui soutiennent le racisme et détournet lattention de la véritable cause des problèmes que nous vivons (par exemple, que l’immigration est une menace pour la sécurité d’emploi de nos membres et la cause de nos problèmes économiques). Nous devons montrer à nos membres que le fondement du racisme est un système de marché libre débridé et mondialisé qui profite de l’exploitation des travailleuses et travailleurs et même de leur exploitation à outrance dans certains cas.
  • Nous devons continuer d’intégrer une composante antiraciste à toutes nos campagnes et dans tous nos programmes d’éeducation - dans nos programmes de formation des déléguées et délégués syndicaux, et dans tous nos cours de développement de leadership. Nous devons profiter de toutes les occasions pour édifier la solidarité et sensibiliser les membres à la nature, à l’omniprésence et aux effets destructeurs du racisme au travail.
  • Le syndicat doit aussi mettre au point une formation et une documentation sur la lutte contre le racisme pour les dirigeantes et dirigeants et pour le personnel. Cette formation antiraciste devrait expliquer entre autres comment répondre rapidement et efficacement à des plaintes en matière de racisme au travail. Elle devrait souligner la façon de traiter les problèmes par l’utilisation d’une approche militante, plûtot que strictement légale. Nous voulons que les employeurs sentent une pression immédiate pour remédier aux situations de racisme, au lieu de ne rien faire jusqu’à ce qu’une plainte suive son cours par le biais du mode de règlement des griefs ou des plaintes.

Inscrire la lutte contre le racisme à l’ordre du jour des négociations

  • Nous devons inciter les sections locales à aller au-delà de la négociation de plans formels (et souvent compliqués) d’équité en matière d’emploi comme moyen d’abattre les barrières qui se dressent devant les travailleuses et travailleurs de couleur et autochtones. Les sections locales doivent négocier des clauses de convention collective claires et précises pour assurer la présence d’une main-d’œuvre plus représentative. Ces mesures devraient inclure des clauses de formation pour offrir de réelles occasions de promotion et de mutation et ainsi éliminer les ghettos d’emploi; des clauses d’embauchage et de promotion plus équitables; et des systèmes plus rapides et plus efficaces pour traiter les plaintes de racisme.
  • Beaucoup de nos conventions collectives actuelles contiennent des clauses que nous pouvons utiliser pour lutter contre le racisme - et nous devons le faire! Par exemple, nos clauses contre la discrimination pourraient être utilisées pour riposter aux licenciements ou à la sous-traitance lorsque ces mesures ont des répercussions particulièrement négatives sur les travailleuses et travailleurs de couleur et autochtones.

Rendre notre syndicat plus représentatif et plus aidant

En rendant notre syndicat plus représentatif de l’ensemble de nos membres, nous le rendrons plus fort. À ce congrès, nous discuterons de la création de deux sièges à la diversité au Conseil exécutif national. Déjà, des sièges ont été créés aux conseils exécutifs des divisions de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. La représentation aux instances décisionnelles est essentielle à notre capacité d’assurer une voix collective à tous les membres du SCFP, à l’édification d’une forte solidarité et à l’élimination du racisme systémique dans nos propres structures.

Mais nos efforts pour améliorer notre représentativité ne doivent pas se limiter aux instances dirigeantes.

Le SCFP doit fournir les outils nécessaires pour accroître le pouvoir de tous les membres de couleur et autochtones afin quils puissent participer aux activités de leur syndicat et lutter contre le racisme. Le syndicat devra entre autres:

  • Consolider le travail du Comité arc-en-ciel en élaborant un réseau fort et actif de militantes et militants antiracistes dans tout le pays.
  • Fournir une formation et des programmes de leadership spéciaux pour nos militantes et militants antiracistes.
  • Mettre en place un système de communication efficace pour les membres de couleur et autochtones afin de les aider à surmonter l’isolation que plusieurs vivent.

Nos membres doivent savoir quils peuvent se tourner vers leur syndicat en tant que défenseur de première ligne contre la discrimination au travail. Le bureau du SCFP contre le racisme doit être reconnu comme centre daide spécialisé pour les membres victimes de racisme.

Édifier des liens avec d’autres groupes qui luttent pour l’égalité

Pour renforcer la solidarité, les militantes et militants antiracistes du SCFP doivent continuer de forger des liens avec d’autres groupes qui sont victimes de discrimination, comme les femmes, les gais et lesbiennes, les personnes handicapées et les jeunes. Par exemple, la Marche internationale des femmes de l’an 2000 fournira une excellente occasion d’édifier la solidarité avec les femmes et de souligner la double oppression que vivent les femmes de couleur et les femmes autochtones.

Lutter contre le racisme en tant que problème mondial

Nous devons continuer d’édifier et de maintenir la solidarité avec les travailleuses et travailleurs des pays en voie de développement pour lutter contre les multinationales et les institutions financières internationales qui exploitent les travailleuses et travailleurs. En particulier, nous devons lutter contre le projet du gouvernement fédéral d’accorder à l’Organisation mondiale du commerce le pouvoir de dicter au Canada ses politiques sociales et économiques, de miner nos services publics et d’augmenter l’exploitation des travailleuses et travailleurs du monde entier. En même temps que nous fournissons l’éducation et les outils voulus à nos membres pour les informer des dangers de cette dernière série de pourparlers commerciaux, nous devons dénoncer les politiques racistes de l’OMC, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, ainsi que leur rôle dans la perpétuation de pratiques d’emploi racistes sur une échelle mondiale.

Tous les travailleurs et travailleuses en sortiront gagnants

Le SCFP a toujours été fier de sa solidarité - avec raison. Nous sommes le plus grand syndicat au Canada, et l’un des plus diversifiés. Nous savons par expérience que la droite n’épargne aucun effort pour tenter de nous diviser et de monter différents groupes de travailleuses et travailleurs les uns contre les autres.

Mais notre syndicat ne restera pas immobile. Notre syndicat a beaucoup de visages - mais il est fort et uni. L’ensemble de notre syndicat luttera contre le racisme au travail, et TOUS les travailleurs et travailleuses en sortiront gagnants.

siepb 491